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jeudi 22 juin 2017

L’EUROPE NÉO-PAÿENNE DES LUMIERES IMAGINAIRES DE MACRON


Mon analyse à chaud de la première interview d’Emmanuel Macron à la presse européenne dont « le Figaro » que l’on peut lire ici :

 

 

http://premium.lefigaro.fr/international/2017/06/21/01003-20170621ARTFIG00333-emmanuel-macron-l-europe-n-est-pas-un-supermarche.php

 

«[« Les démocraties occidentales] se sont construites au XVIIIe siècle sur un équilibre inédit entre la défense des libertés individuelles, la démocratie politique et la mise en place des économies de marché. » Cela fait deux éléments de progrès individuel contre un seul élément d’intérêt général.

« Un cycle vertueux a permis aux libertés individuelles d'être reconnues, au progrès social de se développer et aux classes moyennes d'avoir une perspective de progrès. » Le progrès social devrait-il s’arrêter aux classes moyennes ?

 

« Le doute ne s’est pas installé » depuis « la fin des trente glorieuses » : le modèle social des pays occidentaux a continué de progresser après le premier choc pétrolier, les années 70 et, en France, les « années Giscard », ont été des années fastes ; le doute s’est installé depuis le début des années 80, c’est-à-dire, en Fance, les années Mitterrand, qui ont correspondu à la première résurgence de la gauche molletiste, reagano-castriste (Mitterrand était castriste par sa femme et reaganien par lui-même comme Marguerite Duras….), et précurseur de la gauche néoconservatrice.

 

« Les démocraties illibérales » forment un néologisme qu’il fallaitinventer.

 

« Des Etats-Unis d’Amérique qui se retirent en partie du monde » font peur au vieux monde, qui se demande qui pour le gendarmer.

 

L’instabilité du monde proviendrait à la fois « des inégalités profondes engendrées par l'ordre mondial », « du terrorisme islamiste » et de la météo, « le déséquilibre du climat » : il ne fait pas toujours beau… « Car tout est lié », ajoute Macron. On ne peut pas vouloir lutter efficacement contre le terrorisme et ne pas s'engager pour le climat. »

»

Or le terrorisme islamiste ne prospère-t-il pas sur le terrain des « inégalités générées par l’ordre mondial » ? Et la politique peut-elle faire la pluie et le beau temps comme en celui de la royauté primitive ?

 

« Le leadership français » ne consistera pas, si son évidence culturelle s’impose à nouveau, à défendre la grandeur de la France, ce serait « [bomber] le torse », la présidence macronienne n’est pas gaulienne ; il consistera à défendre les valeurs de l’Europe ou le bien commun mondial tel que perçu par le « vieux monde » déserté par les États-Unis.

Le « leadership français » est donc un néoconservatisme désaméricanisé, car « Les États-Unis d'Amérique aiment autant que nous la liberté. Mais ils n'ont pas notre goût pour la justice. » Les Etats-Unis désobamisés laisseraient le champ libre à un Macron, porte-parole européen du vieux monde, et qui n’aurait pas les « frayeurs de gazelle » d’un Hollande abandonné par Obama, si la France devait « frapper seule » une Sirie qui aurait franchi ses « lignes rouge », un peu comme Trump fait des frappes à un coup.

Sans assumer le mot, Macron se pose en néo-conservateur des Lumières, qui regrette la « forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans », admet que la démocratie ne s’exporte pas à la serpe, hérite volontiers de l’abstention chiraco-villepiniste de la France dans la seconde guerre d’Irak, renie la guerre de Libye, mais ne se prononce pas sur la première guerre du golfe, péché originel de ce qui est devenu le gouvernement mondial de l’antiterrorisme auquel Macron ne veut pas renoncer : « Le président réaffirme que la lutte contre le terrorisme islamiste est sa priorité absolue «, commente « le Figaro ». « Ce sont eux nos ennemis» complète le Président.

 

« Les réformes fondamentales qui sont indispensables pourla France » le sont selon une analyse financière partagée par la Commission européenne. Le nivellement de la zone euro par la déréglementation et la précarisation n’a rien d’écrit dans les étoiles. Normalement, la stabilité devrait être la règle et la mobilité ou la flexibilité l’exception. Macron est convaincu du contraire et incarne cette conviction jusqu’à l’extrême au service d’une ambition individuelle purement économique : que les « jeunes » rêvent d’être « milliardaires » !

 

Le Président veut pousser l’union du « couple franco-allemand » jusqu’à ne jamais se rendre à un « conseil européen » sans avoir négocié « une position commune » avec son vis-à-vis d’outre-Rhin. Or l’union carolingienne est contraire au désaccord millénaire entre la romanité ou la latinité et la germanité qui aspire de tout temps à la remplacer. La France et l’Angleterre sont des frères ennemis qui ont pu se faire une guerre de cent ans pour une querelle de légitimité sur un même royaume, dont le général de Gaulle et Jean Monnet ont bien failli accepter qu’il soit  réuni en 1940 sous une même couronne, ce qui serait arrivé si Paul Reynaud n’avait brisé là. Le saint Empire romain-germanique a effacé l’Empire romain. L’Allemagne est aussi féodale et régionale que la France est stato-nationale. « L'Allemagne va dépenser plus que la France en matière de défense dans les années à venir. Qui l'eût cru? », s’étonne Macron.  La nouvelle Allemagne de Weimar humiliée jusque dans sa réunification ne se redresse plus par la remilitarisation de la Rhénanie, mais elle entend jouer un rôle actif dans le régentement du monde, sous couvert d’une Europe plus centrale que littorale. Or Macron accepte de déplacer son centre de gravité des évasions maritimes vers l’Est de l’Europe.

 

« La clé pour repartir est » certes « une Europe qui protège », mais plus dans le sens du protectionnisme européen que de la protection des frontières, surtout si l’on ne touche pas à Schengen et qu’on limite le contrôle aux frontières à celles qui sont extérieures à l’Union européenne. Or Emmanuel Macron inverse l’ordre des priorités. Certes, le partiel abandon de l’OTAN par les États-Unis tel qu’il est à prévoir offre une fenêtre d’opportunité pour une Europe de la défense et de la sécurité commune, qui aurait dû précéder le marché commun. Mais ce n’est qu’une fenêtre d’opportunité. Sans la préférence communautaire, cette protection extérieure est presque vaine, et le combat imprécis contre le travail détaché n’empêchera pas les délocalisations. La construction et l’attachement à l’Europe ne sont pas que l’affaire des classes moyennes, ils lancent une sourde demande de proximité que n’entendent pas ceux qui ne jurent que par le numérique et par la transformation des techniciens et vendeurs en conseillers de clientèle.

 

2 % du budget consacré à la défense à horizon 2025 contre combien aujourd’hui aux États-Unis ?

 

Si « l’[accélération] des délais d’instruction des demandes d’asile » en France était la solution miracle au problème des migrants ou à celui des réfugiés, la promesse faite par Jacques Chirac en 1995 de les réduire à trois mois aurait été tenue. Or pendant les » deux ans » que prend en moyenne l’instruction de ces demande avec ses recours, on ne « tisse » pas seulement « des liens familiaux », on est placé dans l’économie informelle par l’interdiction qui est faite par la France aux demandeurs d’asile de travailler, interdiction qui est à l’origine de l’attraction des migrants pour le Royaume uni, où ils ne sont pas obligés de vivre dans la clandestinité. Reconduira-t-on dans leurs pays les déboutés du droit d’asile, et comment, sans toucher à Schengen, «[ remédiera-t-on] à la situation ubuesque que l'on observe avec les «dublinés», ces personnes qui passent d'un pays à l'autre en espérant enfin obtenir l'asile » ?

Pourquoi enfin l’Europe a-t-elle l’air de considérer comme naturel que l’exode de ceux qui fuient la guerre se fasse si loin de tout espoir de revenir à la maison ? N’est-elle pas suspecte d’entretenir les trafics humains qui amplifient les phénomènes migratoires en ne punissant jamais les passeurs ? En quoi d’autre consiste la lutte « contre les dérives mafieuses » ?

 

Macron est le premier dirigeant français à ne pas rougir d’être qualifié de « populiste » s’il n’est pas démagogique et ne prend pas ses concitoyens pour des gens sans intelligence, mais aussi à condition de ne pas parler au peuple français, mais au « peuple européen « , ce qui serait le « combat de civilisation » selon lui. Or a-t-on jamais vu de « peuple européen » ailleurs que dans « l’imaginaire », dont Macron dénonce la crise, des néo-païens qui barbarisent l’Europe en la germanisant ou e la gothisant, c’est-à-dire en convertissant son nihilisme en un « Goth binn ich » ? Car on peut parier que Macron ne veut résorber la crise de l’imaginaire européen que comme il croit que Vladimir Poutine veut « restaurer l’imaginaire russe ». La « politique civilisationnelle » n’est à bâtir qu’à seul fin de lutter contre le terrorisme.

C’est un peu faible.

2 commentaires:

  1. Triste anniversaire. Il y a tout juste un an Metablog, qui avait contracté une sale maladie, tomba dans le coma. Il est aujourd’hui cliniquement mort.
    Son souvenir restera vivace dans nos cœurs.
    Nous prions pour lui.

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  2. Eh oui! Métablog n'a survécu que par le commat à la mort que nous lui prédisions lorsque son auteur principal est devenu rédacteur en chef d'un journal moins nourrissant que ses propres méditations. Qui trop embrasse mal étreint. Un journal est plus lucratif qu'un blog, même si la presse n'est pas un médium d'avenir. Je sais beaucoup de lecteurs commentateurs à qui Métablog manque beaucoup.

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