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dimanche 24 avril 2016

Mélanchon ou Guaino, ou de l'impact personnel en démocratie!

Il est regrettable que la démocratie ne soit pas un régime pur -c'est-à-dire, compte tenu de son essence délibérative, un régime neutre, un régime dont la pureté serait dans la neutralité quoi qu'en aient dit Tocqueville ou les Lumières-, au point de pouvoir  faire acception de la dimension personnelle de ses idéologues politiques.

Prenons Jean-Luc Mélanchon. Ses analyses sont certes teintées d'une fidélité à une "culture de gauche" qui le fait être a priori "solidaire de toutes les luttes" pourvu qu'elles soient les luttes des siens.

Mais pour commencer il présente les analyses les plus complètes aujourd'hui produites par un homme politique français. Or elles sont entachées par la personnalité de l'analyste qui va presque jusqu'à en annuler la pertinence, non seulement parce que celui qui les produit est un caractériel qui ne doit pas être exempt d'une violence presque physique, et est tellement ombrageux qu'on n'a pas envie d'être de ses amis. Mais pour ne rien arranger, il se stérilise de se vivre comme une espèce d'Hugo Chavez.

Il commet également un certain nombre d'anachronismes dans la compréhension de l'histoire qu'il vit et sur laquelle il voudrait bien intervenir. Il se stérilise par exemple  d'imaginer que le fascisme est à nos portes -au passage, il y aurait avantage  à circonscrire une bonne fois pour toutes la notion de fascisme pour que ce mot cesse d'être un fourre-tout destiné à jeter aux orties toute pensée minoritaire ou dissidente-.

Mélanchon serait par exemple incapable d'en appeler au front des populistes pour incarner son: "Nous le peuple!". En même temps, Jacques sapir, qui a popularisé une telle coalition,  ne trouve rien de mieux à proposer qu'une dictature temporaire.

Mais en luttant vent debout contre ce qu'il appelle encore "le capitalisme", Mélanchon fustige, non pas une réalité surannée, mais un mot dépassé, même si ce mot n'a peut-être jamais recouvert ni eu  autant de réalité qu'à l'époque de néo-esclavagisme machiniste et libéral dont nous vivons les prémices.

Ces défauts de caractère ou de personnalité nous font passer à côté d'un des hommes politiques les plus munis d'une colonne vertébrale fût-elle trop exclusivement marxiste, et les plus pertinents du moment. Henri Guaino pourrait-il incarner cette ligne d'un souverainisme social, partisan d'une France forte et libre, d'une France indépendante? Pourrait-il être une sorte de Marine le Pen sans les outrances verbales et la xénophobie?

samedi 23 avril 2016

Jean-Louis Debré, le droit d'asile et l'homme de la rue

J'écoute en finissant de dîner l'interview de Jean-Louis Debré par l'équipe d'"On n'est pas couchés".
Troistemps dans mon écoute:
1. J'ai voué allégeance à Jean-Louis Debré depuis qu'il a donné la parole à un homme de la rue, ce que personne n'avait fait avant lui, pas même l'abbé Pierre.
J'entens faire à cette plume d'un SDF une "déclaration d'amour" à Lionel Jospin. J'apprécie que les gens que j'apprécie s'apprécient.
2. Yann Moix le somme avec agressivité de regretter d'avoir servi Maurice Papon, ministre du budget de Giscard, en tant que membre de son cabinet.
Jean-Louis debré commence par plaider comme Maurice Papon: "Je ne savais pas". Et sous la violence rétrospective de l'attaque, on le comprend.
L'ancien membre du cabinet de Papon se félicite d'avoir démissionné très rapidement du cabinet d'un ministre dont il n'appréciait pas la personnalité.
Yann Moix se défend de lui demander d'avoir connu le passé de préfet vichyste de Maurice Papon, mais veut qu'il désavoue les ratonades ordonnées par Maurice Papon sous le gouvernement de son père, Michel Debré.
Yann Moix, au nom de la lutte contre l'antisémitisme par déplacement sur le 19 octobre 1961, demande à Jean-Louis debré de renier son père, comme Samuel Etienne l'avait fait avant lui pour Marine le Pen devant un public de lycéens. Je crois qu'il n'y a pas de pratique journalistique plus dégueulasse.
Je ne confonds pas Samuel etienne et Yann Moix. Le second a du talent et même un peu de fond, le premier s'est de lui-même ravalé au rang de bateleur à QUPC (rien à voir avec la question prioritaire de constitutionnalité...). mais je les renvoie à la même indignité d'exiger de leur interviewé qu'il renie ses ascendants à la faveur d'une interview.
3. J'aimais Jean-Louis debré pour avoir donné la parole à un homme de la rue, mais je remercie Léa Salamé de m'avoir rappelé que c'était lui qui avait remis les "sans papier" de Saint-bernard dans la rue à coups de hache, en violation du droit d'asile, reconnu comme privilège aux bâtiments d'Eglise depuis la christianisation de l'Empire romain, privilège sanctionné comme le premier bienfait de la civilisation chrétienne par Saint Augustin soi-même au début de la Cité de Dieu.
Jean-Louis Debré ne regrette pas d'avoir enfoncé les portes d'une église à coups de hache. Du coup c'est moi qui me bats la coulpe d'avoir la mémoire courte, et reconnais que mon allégeance à l'homme qui a expulsé dans la rue des gens accueillis dans une église pour finir par donner la parole à un homme de la rue, que mon allégeance à un nouveau gambetta à l'anticléricalisme ricanant, que cette allégeance a du plomb dans l'aile...
Mes ailes rognent sous le plomb et n'aiment pas à se renier. Quand donc serai-je fidèle à un homme cohérent? Mais la cohérence n'est pas dans la besace humaine, en dépit des serments.
Ce ne sont pas nos positions qui changent, ni même le vent qui tourne plus vite que la girouette, ce sont les paramètres de nos positions qui se déplacent.

mercredi 13 avril 2016

Forisson le négateur et les faiseurs de tabous


http://www.egaliteetreconciliation.fr/L-Heure-la-plus-sombre-du-21-mars-2016-Invite-le-professeur-Robert-Faurisson-38457.html

 
C’est un goût un peu lâche ou potache de la transgression vaguement honteuse qui m’a fait mettre en présence du professeur  Forisson à travers cette vidéo pour savoir enfin ce que quelqu’un comme moi, rebelle de façade et modéré au fond, peut penser d’un tel homme, dont je dois reconnaître au préalable qu’il a plus grand courage de ses opinions que n’en a son critique dilettante d’un soir oisif.

 

Robert forisson  nous livre dans cette vidéo le récit du face à face d’un homme qui ne croit pas au contexte, mais croit en la neutralité axiologique et des synchronicités, avec des adversaires, Fabius, Badinter, Gaysot, bien d’autres , qui ne craindront pas de créer sur son nom, au risque d’en faire un martyre ou un héros à ses propres yeux, un tabou en plein siècle de la libération des tabous.

 

Robert Forisson partage avec Alain finkielkraut (en quelle compagnie les voici  tous les deux affublés !), non pas la prétention de poursuivre la vérité, mais  la passion de «[la seule] « exactitude », passion souvent approximative chez Finkielkraut et résultant chez Forisson d’une tournure d’esprit classique, d’une éducation trop rigoriste, et d’une tendance trop accusée au rationalisme.

 

A la vérité ou à l’exactitude, je préfère la justesse.

 

Une exactitude qui abolit le contexte ne saurait ni être juste, ni être humaine. Ce n’est pas non plus par hasard que celui qui supposait d’entrée de guerre que le peuple allemand pouvait être persuadé par ses prêtres d’avoir ses dieux pour lui, s’en fait le défenseur quand il cesse d’être l’ennemi de sa patrie. Ce n’est pas par hasard que son goût admire à juste titre l’élasticité des Français de Céline et tombe sur un sujet qui contient la même obsession antijuive qui anime idéologiquement cet auteur de prédilection. Est-ce encore au nom de l’exactitude qu’il s’autorise à étirer presque indéfiniment ce sujet de l’existence ou non des chambres à gaz jugée par un comparatiste, à l’existence ou non de « la solution finale » comme extermination dans l’esprit du Führer ? Ce n’est enfin pas hasard de synchronicité, de quelque façon notariale qu’il s’en tire pour trancher la question sous le prétexte administratif d’une mutation d’après-guerre, qu’il finisse ses jours à vichy.

 

Mais ceux qui ont promulgué contre lui une loi ad hominem lui ont rendu un fier service. C’est une loi d’exception tendant à laïciser l’hypothèse religieuse d’une élection divine du peuple juif. Une telle loi fabrique l’antisémitisme de l’avenir. Sa scélératesse consiste à laisser penser à ceux qui doivent s’y soumettre sans devoir ni pouvoir y soumettre jusqu’à leurs arrière-pensées, qu’au sommet du mondialisme, appelé à réaliser la mondialisation qui est un fait, une seule nation est exceptée de la confusion des peuples, et c’est la nation juive, en raison de sa nature diasporique, territoriale en principe et par promesse éventuellement allégorique, mais répartie depuis l’Empire romain dans « la moitié du monde connu », pour ne pas dire du monde entier… C’est cette souplesse voyageuse du peuple juif » qui rend ce nationalisme compatible avec le mondialisme. Mais qu’à la tête du mondialisme, il y ait de façon réelle ou supposée, une nation et un nationalisme et, qui pis est, au nom d’une croyance religieuse instillée dans ce melting pot laïc,  fait de ce mondialisme un hybride qui le rend d’autant plus inassimilable à ceux à qui il voudrait s’imposer en faisant du composte de leurs identités. Et que le peuple juif soit le tronc commun des trois religions du Livre professée par près de la moitié du monde confus et confondu n’est pas une raison suffisante pour laïciser son élection comme chef naturel et fantasmé du mondialisme.