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lundi 22 mars 2010

le Verbe et le monde, la chair et l'Esprit

l'inconscient sémantique préside au choix du signifiant et les liens sur l'article de l'abbé de Tanoüarn correspondant ?

(En réponse à l'article "Vatican II sous le feu de la critique" de l'abbé Guillaume de Tanoüarn, http://ab2t.blogspot.com/2010/03/vatican-ii-sous-le-feu-de-la-critique.html)

Cher Monsieur l'abbé,

A bien vous lire (dans ce qui n'est pas un pensum, pardon antoine :

- puisque "nul ne connaît le Fils, sinon le Père" (déduction symétrique, mais presque trop logique de l'affirmation que : "Dieu, personne ne l'a jamais vu, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler") ;

- puisque, par conséquent, nul ne peut se donner "son Christ intérieur", sauf à échanger son idole contre "l'Icône du Dieu invisible", car Dieu doit rester notre "hôte intérieur" et un hôte est toujours un étranger (mais cette impossibilité n'est pas sans frustrer notre désir d'"enfanter le Christ", à l'Ecole de la Vierge Marie, dans la matrice de nos cœurs : mais Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte FAce n'a jamais cultivé un tel désir : elle n'a jamais aspiré qu'à être "la petite balle de l'enfant Jésus". Elle n'a jamais voulu qu'être le jouet de son dieu. Mais ne s'est-elle pas fait mal à ce jeu-là ? Peut-on s'abdiquer à ce point-là ? l'usu eclesiae ne contient-il pas l'usu animae nostrae ? Ne pouvons-nous pas prolonger la galerie des figures de l'Evangile au présent ?) ;

- puisque "la Révélation divine" ne saurait être "le Christ" entendu comme l'idée que nous nous en faisons, notre "idea Christi", et le kérygme "humain, trop humain" qui résulterait de nos arrangements du Christ ; mais puisqu'au contraire, le Christ Est le Révélateur du Père (en photographie, le révélateur est le bain transformant l'image latente en image visible) :

1. comment (et jusqu'où) entendre ce mot de Révélateur ? Que le Christ soit le Révélateur du Père à notre condition charnelle, qu'Il nous montre Qui Est dieu, nous le percevonssans trop de peine ; mais est-Il aussi Révélateur en tant que Verbe ? Autrement dit, transforme-t-Il les volitions divines enphénomènes de Création ? Ce développement éventuelle de l'Image latente dans la pensée divine en manifestations phénoménales a-t-il lieu par la magie du langage ? L'emploi du mot Verbe pour désigner Jésus nous justifie-t-il d'attribuer une vertu performative au langage ou de supposer (un peu absurdement pour la raison humaine) que les mots précèdent la pensée ? Quelle philosophie du langage convient-elle à son essence ? quel enseignement tirer du choix de ce signifiant "Verbe" pour désigner ce qui se passe dans le processus de Création ? Le Verbe est-Il identifiable au langage, à l'action, au contraire à l'état (chaque substantif renfermant le verbe "être" de façon sous-jacente, professait "LA LOGIQUE DE PORTROYAL" d'après Michel foucault) ; est-Il identifiable au phénomène, à l'Ordre des choses, au mode d'emploi de la nature, à la raison d'être ou à la finalité de la Création ? Quels sens enfin recouvre le Logos ? Cette voie d'accès au Mystère du christ ne nous laisse-t-elle pas sur notre faim par l'énigme qu'elle ouvre ? faut-il nous contenter de cette nébuleuse où le Verbe recouvre tous ces sens à la fois ?

2. Et à l'autre bout de la chaîne : comment expliquer le choix du signifiant "monde" pour désigner ce dont on doit avoir le désamour alors que "dieu a tant aimé le monde… qu'Il y a envoyé son Fils" ? Que renferme l'opposition systématique entre dieu et le monde alors que Dieu est aussi le Créateur de celui-ci ? Pourquoi ne devons-nous pas "avoir l'amour du monde" que Dieu a tant aimé ? Pourquoi avoir choisi ce que dieu a tant aimé et et qui renferme objectivement la totalité des créatures parvenues à l'existence après avoir été issues du désir de Dieu avant d'être les fruits de celui de la chair des hommes pour en faire le synonyme et l'homonyme de ce qui est le plus opposé à dieu ?

3. Pourquoi "l'âme de la chair est-elle le sang" selon le lévitique ? cela ne révèle-t-il pas que la chair est de l'amour blessé ? Or y a-t-il amour qui puisse, non à la suite de la chute, mais par la nature même de l'amour, s'affranchir de la blessure ? ("god bless you : dieu nous bénisse et nous blesse à la fois ! est-ce seulement ce que les" new-agistes" appelleraient "de la langue des oiseaux" ?) Pourquoi la chair est-elle antagonique de l'Esprit ? comment pouvons-nous savoir que nous avons l'Esprit en nous ? l'Esprit est-Il ce qui nous ramène du monde à dieu ? enfin, quel rôle joua l'Esprit dans la Création du monde ? quel rôle joue-t-Il encore à présent dans la révélation de ses énigmes aux scientifiques ? Pourquoi l'énigme du monde s'éloigne-t-elle comme l'horizon à mesure que l'homme en découvre quelque pan ? Pourquoi, à peine les antibiotiques commencent-elles à faire de l'effet que cet effet s'amenuise et que les bactéries résistent de mieux en mieux ? L'esprit n'est-Il pas, en plus de l'Anamnèse du christ en nous, le prémisse de notre élargissement ? Ne devons-nous pas faire accroître notre "largeur" ou notre "largesse d'esprit" ? La délivrance et l'élargissement ne sont-ils pas les pus beaux mots de notres langue et les plus grandes espérances de notre cœur ?


Cordialement

J. WEINZAEPFLEN

jeudi 18 mars 2010

controverse maurrassienne (suite)

Voici mon échange polémiste d'articles avec


Réponse à Julien Weinzaepflen
Cher Julien, par comparaison avec vos courriers torrentiels [note: en commentaires à "Maurras est-il..."], ma réponse risque de paraître un peu sèche. J'essaierai surtout d'être clair.

Si j'ai bien compris, selon vous, il n'est pas possible d'être maurrassien et philosémite sans une "stratégie", stratégie que toujours selon vous je ne pousserais pas au bout, ce qui empêche de savoir "pour qui je me donne".

Première réponse sur la stratégie : autant je crois nécessaire de savoir comment l'on veut servir l'Eglise, en prenant les moyens légitimes pour arriver à ses fins, autant il me semble absolument déplacé pour un prêtre de se pencher sur la gestion de son image. Mon image ? Je m'en fiche royalement, et si elle n'était pas très lisible, je crois qu'il suffirait à d'éventuels contradicteurs de me lire. Tout simplement.

Je n'ai rien à cacher. Je suis heureux de vivre à ma petite échelle non pas en électron libre (quelle horreur ! Quel mépris du bien commun cela suppose !), mais en homme libre. Libre ? "de la liberté par laquelle le Christ nous a libérés" comme le disait saint Paul aux Galates (lecture du IVème dimanche de Carême). Cette liberté (intellectuelle notamment) elle manque trop dans l'Eglise... Je tâche d'en vivre.

Y a-t-il contradiction entre Maurras et le philosémitisme ? Je ne le crois pas. Conomore sur ce Blog a très bien expliqué les raisons très circonstancielles et périphériques de l'antisémitisme d'Etat qui fut celui de Maurras. Quant à son antijudaïsme culturel, il est lié à l'antichristianisme viscéral qui fut celui de ses jeunes années, à son paganisme mystique si vous voulez.

Cette mystique là (polythéiste) lui a passé comme en témoigne la Préface (somptueuse) de La Musique intérieure : "Ai-je découvert plusieurs choses ? Je ne suis sûr que d'une, mais de conséquence assez grave : car, de ce long colloque avec tous les esprits du regret, du désir et de l'espérance qui forment le choeur de nos morts, il ressortait avec clarté que l'humaine aventure ramenait indéfiniment sous mes yeux la même vérité, sous les formes les plus diverses. Comment n'étaient-elles pas vues et dites plus couramment ? Nos maîtres platoniciens définissaient la vie par les métamorphoses de l'amitié et de l'amour ; cependant ont-ils explicitement relevé que nous courons à l'amour parce que nous en venons et que ceux qui se sont aimés pour nous faire naître, ne peuvent nous lancer vers un autre but que le leur ? Origine et fin se recherchent, se poursuivent pour se confondre, cela est clair pour qui l'a senti une fois".

Voilà Maurras dans le texte. La stratégie ? Devant une telle authenticité de quête intérieure, je crois qu'il n'y a pas de stratégie qui tienne. Maurras, comme je l'ai écrit est le plus moderne des antimodernes... Sa modernité ? Son agnosticisme. Son antimodernité ? Sa quête éperdue d'un ordre perdu. C'est ce qui m'intéresse chez lui. Il est l'homme des paroxysme et ce paroxysme moderne antimoderne m'attire...

Dans la lettre torrentielle que j'ai reçue de Julien, il y a un reproche, celui de ne pas aller "jusqu'au bout" de mon philosémitisme. Parler de Maurras ? C'est pour Julien "donner le coup de pied de l'âne" au peuple juif. Voici son texte :
"Il n'y a pire marasme à la fin que de déshonorer son père en lui donnant le coup de pied de l'âne après avoir édité un numéro de "res publica christiana" pour dire qu'on l'aimait, avec certes moins d'exclusivité qu'il pourrait le souhaiter, mais enfin qu'on l'aimait tout de même et qu'il s'en fallait de peu qu'on lui demandât pardon… L'antisémitisme est une maladie névralgique de l'humanité. Quand on touche au "peuple juif", on touche aux nerfs du monde".
Oui, j'aime les Juifs, je les aime d'amitié, parce que souvent je constate dans leur psychologie ce sérieux profond du peuple qui a été saisi par Dieu et introduit dans son alliance et qui ne peut pas ne pas s'en souvenir. Il m'est arrivé assez souvent d'accompagner des Juifs adultes vers le baptême, en étant ému de cette profondeur spirituelle particulière. Il m'est arrivé de discuter avec des Juifs, même parfois officiellement farouchement hostiles à ce que je représente, mais qui toujours vont au bout de la conversation, même quand elle est publique (j'ai un souvenir ému de Théo Klein, juif agnostique me parlant de lui-même du Verus Israël devant 400 personnes).

Mais jamais je n'irais prétendre (peut-être justement parce que je les aime) que, sans le savoir et sans le vouloir ils participent au sacrifice du Christ, qu'Auschwitz est le Golgotha du monde moderne etc. J'aime trop ma liberté pour toucher à la leur et donner à leur catastrophe un sens qui proviendrait uniquement de la vérité chrétienne. J'ai lu autrefois avec passion la Lettre ouverte de Raphaël Drai au cardinal Lustiger sur l'autre révisionnisme (celui qui annexe spirituellement la minorité juive à l'écrasante majorité chrétienne). Par comparaison avec le destinataire de la Lettre ouverte, je trouve Pascal très respectueux, lorsqu'il imagine pour le peuple juif une économie qui lui est propre et c'est dans ce sens que j'ai essayé d'aller dans un article de Respublica Christiana auquel vous faites allusion, Dialogue rêvé avec Imre Kertesz.

Il n'y a pas là de ma part la moindre stratégie. Si j'étais stratège, je me ferai offrir un voyage en Israël pour ensuite chanter partout les louanges de Tsahal. Ce n'est pas ma perspective. Je crois que le "mystère d'Israël" dont parle déjà saint Paul mérite mieux qu'une réduction aux urgences de la politique de l'instant. Je suis prêtre. Il me faut prendre du recul ! Actuellement, Julien, les Juifs ont mal, mais les Palestiniens ont mal aussi... On peut tenter une surenchère à la victimisation dans un sens ou dans l'autre, ce n'est pas ce qui fera avancer les choses. Pour personne. Il n'y a pas de monopole de la souffrance.

Mais je crois nécessaire de réfléchir, à la lumière de saint Paul, au mystère d'Israël, pour tenter de le saisir au plus profond, dans ce qui lui est propre et non dans ce qui le rapprocherait immédiatement du Nouvel Israël. C'est le sens de mon article sur Kertesz et sur le "kakangile", dont, depuis Auschwitz, le peuple juif est dépositaire. Le peuple juif à Auschwitz a expérimenté à ses dépens le tropisme morbide qui est au fond de la modernité depuis la révolution française (voir Philippe Muray). Ce qu'ils nous annoncent les Juifs, à Auschwitz, c'est l'insuffisance radicale de l'humanisme issu des Lumières.

Pourquoi cette leçon simple est-elle si difficile à entendre ? Dans le Siècle juif (éd. La Découverte 2009), Yuri Slezkine a sa petite idée sur la question : "La modernité, c'est que nous sommes tous devenus juifs"... Voilà sans doute pourquoi ce que Kertesz appelle "le génie éthique des juifs" trouve un tel écho dans le monde contemporain. Mais voilà aussi pourquoi le fait Auschwitz est si difficile à interpréter, comme cette modernité qui se détruit elle-même.

Cher Julien, vous me reprochez de ne pas être un inconditionnel du peuple juif, dont vous faites, vous, peu ou prou, le nerf du monde. Il me semble en tout cas (et je le dis du plus profond de moi même) que je respecte les Juifs bien plus que ne savent le faire toutes sortes d'inconditionnels, qui se contentent d'essayer de les annexer. Ce n'est pas parce que, en tant que modernes, nous serions tous juifs, que cette annexion va de soi et qu'il faudrait oublier ce que gardera toujours de spécifique le mystère d'Israël, que saint Paul résumait ainsi : "Les dons de Dieu sont sans repentance".

Dans La petite peur du XXème siècle (1949), Emmanuel Mounier refusait solennellement de tirer les leçons d'Auschwitz, assimilé justement à "une petite peur". Lui entendait rester obstinément progressiste et niait la puissance durable du Mal sur le monde. Le message éthique des Juifs à la modernité est aux antipodes de ce progressisme imbécile qui, sans méfiance devant l'image du progrès, a préféré les meubles en formica aux armoires des ancêtres. Le message des Juifs, c'est que le progressisme (le progressisme nazi, mais aussi le progressisme marxiste ou libéral) est mort à Auschwitz. Sans Auschwitz, y aurait-il eu la "culture Soljenitsyne" ? Et quand on a médité sur Auschwitz, sur ces millions de personnes déportées et exterminées sans raison, peut-on croire une seconde à la mondialisation heureuse ? Dans Fiasco, Kertesz a décidément raison de soutenir que non.

Quoi qu'on en pense, l'évolution actuelle de l'art et de la culture montre que ce message est bien en cours de réception. Obscurément beaucoup sont en train de comprendre que lorsque l'homme se prend pour la mesure de toutes choses, toutes les balances sont déréglées. Refuser le révisionnisme théorique ou pratique, essayer de peser la Shoah, c'est accepter de regarder en face le drame de l'humanisme athée, l'horreur d'une culture raffinée (la culture allemande) qui, comme dit Hermann Hesse a renié le culte dont elle était issue, ou, ce qui "finalement" revient au même, a perdu le sens de la réalité de ce culte pour en faire un pur romantisme : le rêve bien innocent de Bayreuth qui se termine en cauchemar à Auschwitz.




Réponse de Julien Weinzaepflen :

Cher Monsieur l'abbé,


Il n'est pas rare, lorsqu'on cède au désir enfiévré de croiser le fer (comme ce fut mon cas en voyant votre blog, sur lequel j'aimais respirer le bon air d'un "libreéchange entre esprits libres" devenir le miroir d'une "passion catholique et française", la controverse à propos de Maurras), d'aider un peu la fièvre à monter en s'emballant sur un contresens qu'on n'avait pas voulu commettre de sang froid.


Je vous l'avoue : j'ai commis deux contresens en partant sur les chapeaux de roue…en premier lieu, l'article que je voulais commenter n'était pas "Maurras est-il le diable", mais : "Maurras, Rome et le diable"… Dans cet articl, j'avais lu le mot de "stratégie" etbrusquement, mon sang n'a fait qu'un tour… Pour moi,, vous en appeliez à une convergence des stratégies pour la reconquête des âmes par l'Eglise, toutes étaient bonnes à employer, surtout si le "bon petit peuple voulait prier dans les formes catholiques". Qu'est-ce qu'un dignitaire romain avait à se mêler de son idéologie ? Qu'il vous laisse donc suivre votre stratégie, "faire l'expérience de la Tradition" : je n'en faisais pas une affaire personnelle, ce n'était pas votre stratégie à vous, Monsieur l'abbé de Tanoüarn, que je voulais particulièrement mettre en cause : je voulais comprendre la cohérence du "discours" que portait l'Institut du bon Pasteur, discours dont le moins qu'on puisse dire est qu'à en faire une lecture médiatique, c'est-à-dire à anticiper comment il sera reçu, le discours est brouillé et est caractérisé par le "grand écart" : grand écart, d'abord entre deux hommes, deux fondateurs : M. l'abbé laguéry et vous-même, le premier se départissant de tout maurrassisme tandis qu'après avoir fait un pas vers le dialogue avec les Juifs, vous rappeliez la mémoire de Maurras. Cette séquence suivait de quelques années le message subliminal que l'abbé Laguéry avait, de son côté, envoyé après les saillies antisémites de dieudonné en donnant sacramentellement le baptême à sa petite fille à grands renforts de publicité, quand le Sacrement aurait pu rester discret, si le coup médiatique n'avait pas été recherché autant que lui…


Je n'ai émis qu'une analyse médiologique. Si j'ai parlé de "stratégie", c'est au sens où, sauf à ne vous adresser qu'au "milieu" dans lequel vous jouissez d'une influence méritée (car vous êtes un intellectuel de premier plan), vos positions publiques ont un pouvoir de suggestion. La suggestion médiatique qui ressort de votre rappel à "l'épouvantail"-Maurras, qu'il mérite ou non d'être considéré comme tel, est sans équivoque et c'est le grand écart… Elle rend votre message illisible, inaudible, en dehors du cercle de vos affidés. Or vous méritez mieux que d'avoir des affidés.


Vous m'accusez quant à moi d'être un inconditionnel du "peuple juif" ou de vouloir l'annexer. Du second chef, comment medéfendre ? Par le rappel que j'assortis de prudence mon propos de percevoir une configuration du peuple juif au Messie du golgotha : je reconnais que, si mon hypothèse véhicule une vérité (et je ne l'avancerais pas, même avec la réserve qui convient, si je ne le croyais pas), tout le monde n'est pas prêt à recevoir cette vérité. Elle peut en blesser quelques-uns. Est-ce pour cela qu'il faut la taire ? Est-ce pour cela qu'il faut se refuser à risquer une lecture théologique de l'histoire et du monde ? N'êtes-vous pas les premeiers à dire que, dans le dialogue, il faut rester soi-même ? Or comment comprendre théologiquement la shoah en dehors de ce saisissement qui nous prend, à l'idée que tout un peuple (et pas par hasard ce peuple-là) a été voué à être la victime innocente d'un régime totalitaire et païen. Au nom de quelle économie du salut la Pation des Juifs paraît-elle pouvoir être assimilée à la Passion du Christ ? Cette economie m'échappe à moi qui vous parle. Pire, elle me "scandalise". Elle me fait dire que dieu ne nous a pas sauvés manifestement. Mais ce qui est manifeste n'est pas le dernier mot des fins dernières. Le chrétien que je suis ne peut que constater cette similitude, la jugerais-je "scandaleuse". Si je n'en fais pas cas, je ne fais que de la rhétorique, pas de la théologie. Ou bien je suis insincère dans mon dialoggue avec les juifs, dans mon dialogue avec vous, dans ma tentative de déchiffrer ce monde écrit en langue des signes et que la modernité trouve absurde...


Est-ce maintenant que je suis "un inconditionnel des Juifs" ? vous me tenez pour tel parce que j'affirme que les Juifs sont le nerf du monde (et non, comme vous, que c'est un peuple parmi d'autres ou peu s'en faut). Si vous n'êtes pas de mon avis, à quoi, selon vous, devez-vous d'être né chrétien ? Pourquoi le christianisme a-t-il prospéré dans un monde qui lui était radicalement étranger ? quel sens providentiel donner à cette prépondérance, deux millénaires durant, du christianisme sur le monde entier ? Il est vrai qu'"(avec) la modernité…, nous sommes tous devenus juifs" et non seulement chrétiens : nous sommes devenus judéochrétiens et nous n'avons pas fini d'en sonder le sens spirituel. Pour autant, la modernité née de la Révolution française n'est pas le prisme interprétatif convenable aux desseins de la Providence dans l'histoire humaine; La Révolution n'est qu'un épiphénomène en regard du mystère de l'élection par le Père de NSJC. Cette élection concerne aussi bien les juifs que les chrétiens, même si elle est différente pour ceux-ci et pour ceux-là et même si, je vous en donne acte, Pascal a peut-être davantage raison que le cardinal Lustiger de concevoir pour les Juifs "une économie propre" plutôt que de voir dans le Christ, comme le faisait le défunt cardinal,. "la réalisation d'Israël". Remarquez que mon propos n'est pas tout à fait le même : je voudrais que le christ fût "la consolation d'Israël" et me désole de constater qu'Israël s'inscrive dans le destin du christ d'une manière beaucoup plus troublante que si, dans la tradition figurative, Il englobait le destin d'Israël, comme le voudrait le cardinal Lustiger, qui n'eût pas souffert mieux que vous l'hypothèse que j'ose alléguer d'une configuration involontaire d'Israël au destin du Christ...


Je serais encore un "inconditionnel des juifs" selon vous parce que je ne saurais pas que les Palestiniens souffrent aussi, que les Juifs n'ont pas le monopole de la souffrance : nous sommes bien d'accord. Maisalors, posons cette question : à quelle circonstance le sionisme a-t-il dû de voir le jour dans l'esprit de theodor Hertzl ? Qu'est-ce qui a donné l'idée à ce journaliste autrichien que les Juifs ne seraient jamais en sécurité tant qu'ils n'avanceraient pas la Promesse de la terre qui leur avait été faite par Dieu ? La goutte d'eau qui a fait déborder le vase ne fut-elle pas la violence des réactions suscitées par une certaine affaire française, dans laquelle était impliqué un certain capitaine soupçonné, parce que juif et né à Mulhouse (d'où je vous écris), d'"intelligence avec l'ennemi" ? De cette violence, un certain charles Maurras n'était-il pas partie prenante ? Peut-on dire que son antisémitisme était purement conjoncturel ? Historiquement, en tous cas, il n'a pas été sans conséquences…


Israël existe, peut-être avant le temps, peut-être en son temps, je ne sais. Mais l'existence de cet Etat n'est pas de nature à simplifier les relations internationales, polarisées, depuis longtemps et pour longtemps (les Juifs ne sont-ils pas le nerf du monde ?) par ce petit conflit régionnal qui dure depuis que cet Etat est né et dont on ne voit pas bien comment, avec les déséquilibres démographiquesqui se profilent et la guerre de l'eau qui est déjà commencée, les belligérents pourront sortir. A voir réalisés la Promesse de leur terre, les Juifs n'ont-ils pas perdu les clefs de leur universalisme religieux pour se confiner dans un territorialisme trop étroit pour leur grande pensée religieuse ? La terre promise n'eût-elle pas gagné à demeurer terre rêvée, utopie ? La question reste ouverte : les juifs religieux antisionistes, qui n'étaient pas favorables à une construction politique faite de toute pièce, se sont prononcés dans ce sens avant que je nela pose.


Bien à vous


Julien WEINZAEPFLEN



mardi 16 mars 2010

Verte correction filiale à un ami prêtre Maurassien

Commentaire à l'article du blog http://www.ab2t.blogspot.com/
http://ab2t.blogspot.com/2010/03/maurras-est-il-le-diable_12.html

Beaucoup de choses ont été dites (et tellement mieux que je ne l'aurais fait, moi qui ne suis pas un expert en maurrassisme ni en enregistrement de commentaires sur Blog G) sur le sacrilège de Maurras, écrivain de génie, mais récupérateur de l'Eglise à des fins politiques, comme si le corps mystique qui a "les promesses de la vie éternelle" était en rien récupérable… L'Eglise est irrécupérable... Elle est cette preuve par le diamant que la vie est incorruptible, preuve que vous fustigez, Monsieur l'abbé, dans un autre de vos postes après votre visite au musée Maillole où vous êtes allé voir une exposition sur la mort vous tourniez damien First en ridicule… Quant à moi, dont l'opinion certes est de peu d'importance, Je tiens cette preuve pour nulle si "la vie commence dans le carbone", comme le soutiennent les évolutionnistes échevelés qui utilisent le carbone pour antidater le linceul de Turin. L'évolutionnisme n'est pas une belle vérité et, si la vérité est dénuée de valeur esthétique, elle est suspecte. Pris comme instance de commencement, le carbone fait le jeu d'une ère de glaciation affective et sentimentale. Mais je reçois cette preuve par le carbone que vous jugez puérile si la vie, non pas commence dans la neige carbonique, mais finit comme le carbone, a le destin du carbone, se montre matériellement incorruptible au passage… Je reçois dès lors en louangeant Dieu cette preuve par le carbone, ce clin d'œil de la matière aux croyances de mon âme, qui a la notion de l'éternité plus que celle du temps, parce qu'elle ne se souvient pas de sa naissance et se croit donc sans commencement...

Donc maurras voulut récupérer l'Eglise et vous voulez récupérer Maurras : c'est décevant et désolant ! c'est désolant parce que vous ne prenez même pas la peine de dissimuler que vous agissez en stratège, en "habile tacticien", habileté que j'avais saluée dans un précédent commentaire... Il faut conjuguer les stragtégies, dites-vous en substance, pour sauver l'eglise du marasme. Or y a-t-il pire marasme que celui que vous illustrez en faisant le grand écart en commençant par bichonner les juifs avant de caresser le dernier carré de leurs ennemis, qui se montreraient volontiers leurs persécuteurs, si la persécution physique était encore de mise à leur encontre dans le monde occidental ? (C'est l'abbé Laguéry qui baptise la fille de dieudonné au prénom de Plume, plus chrétien que celui de son frère Judas, l'enfant ayant pour parrain M. le Pen, qui a une longévité probable plus courte que celle de son père biologique, l'humoriste qui dirige "le théâtre de la main d'or"…) C'est une stratégie du marasme et du tohu-bohu intellectuel qui ne vous honore pas et dont j'ose espérer qu'elle ne vous ressemble pas.

Il n'y a pire marasme à la fin que de déshonorer son père en lui donnant le coup de pied de l'âne après avoir édité un numéro de "res publica christiana" pour dire qu'on l'aimait, avec certes moins d'exclusivité qu'il pourrait le souhaiter, mais enfin qu'on l'aimait tout de même et qu'il s'en fallait de peu qu'on lui demandât pardon… L'antisémitisme est une maladie névralgique de l'humanité. Quand on touche au "peuple juif", on touche aux nerfs du monde. Que ne vous avons-nous entendu dire que la shoah, même si les Juifs ne sont pas prêts à recevoir une affirmation si indélicatement et si péremptoirement exprimée, est la contribution indirecte du peuple juif en son entier à la Passion du christ, est la Passion du peuple juif configuré à son Messie qui est aussi le nôtre… et que c'est pour cela - bien plus que pour d'obscures raisons politiques qui ont aussi leur part dans cette omerta, ne travestissons pas la vérité, mais elles sont marginales -, que c'est à cause de la Passion du peuple juif, parce qu'elle ravive la douleur névralgique du monde et que tout malade tient à sa douleur (comme nous tenons nous-mêmes à consoler le Christ jusqu'à la fin des temps), que le monde continue 60 ans après à évoquer le martyre du peuple juif tandis qu'il passe sous silence les crimes du communisme… et que Les martyres du goulag comptent médiatiquement pour du beurre, ce qui n'est pas normal, mais s'explique parce que qui touche au peuple juif touche à l'élection humaine telle que celle-ci a été voulue par dieu.

L'eglise a sa part dans ce Mystère d'Election, une part plus qu'enviable : elle est le Corps du christ, mais elle n'a pas souffert de toute l'involonté de sa chair : elle a eu ses martyres, mais c'étaient de libres confessants, tandis que les Juifs n'ont pas eu le choix de ne pas être associés à la Passion d'un Messie que, par ailleurs, beaucoup d'entre eux ne reconnaissaient pas. Cette assimilation d'élection a été réservé au peuple juif : "les voies de dieu sont impénétrables et Ses desseins sont insondables",, on ne peut que s'incliner devant eux et certainement pas, pour faire bonne mesure, convoquer les mannes des rescapé d'auschwitz et juste après celles de Maurras, par stratégie, même si ce monsieur à la plume alerte faisait prendre tous les jours une "cure d'altitude intellectuelle" au pauvre Marcel Proust dont les longueurs avaient bien besoin de se désintoxiquer du snobisme et de la mondanité de leur auteur… En votre âme et conscience, vous n'avez pas le droit de suggérer que le négationnisme de Mgr Williamson, (qui était il y a peu un évêque de l'autorité duquel vous dépendiez, avant que la Fraternité sacerdotale Saint-Pi X ne vous congédiât avec son tact habituel), que ce négationnisme ne vous dégoûte pas, de suggérer que ce négationnisme n'est pas antichrétien, quoi qu'il en soit de la possibilité démocratique qu'on devrait sans doute lui accorder de s'exprimer… Mais alors, nous ne parlons pas sur le même plan… Et vous suggérez que l'antisémitisme est un péché véniel, dès lors que, vous utilisez l'espace public de votre "blog" pour raviver la mémoire d'un homme, Maurras, qui le symbolise dans sa version paganochrétienne des "amitiés françaises", que cet antisémitisme soit dit actif par appel au meurtre ou passif en se contentant de regarder les Juifs comme "le parti de l'étranger en France"… vous n'avez pas le droit de cultiver l'ambiguïté cruelle en donnant envie de discuter avec vous, parce que vous êtes un esthète qui fréquentez les expositions, parce que vous feriez très "abbé de salon" dans un dîner, mais qu'à peine aurait-on conversé de confiance avec vous en portant un toast au premier verre de vin que vous ne pourriez vous retenir de brandir, vos vieux démons vous reprenant - ou parce que vous souhaitez rester "le saint patron de "Minute", comme vous qualifie "Gollias" - ce vieux grigou de maurras qui a vu dans la défaite de la France "une divine surprise" sous prétexte qu'elle était reprise en mains par un vieux maréchal qui lui faisait faire sa "révolution nationale" après qu'une chambre radicale lui avait certes voté "les pleins pouvoirs" à 80 voix près, mais afin seulement qu'il rédigeât une constitution dont on n'a jamais vu la couleur parce qu'on avait certes mieux à faire en temps de guerre, et ce n'allait tout de même pas être ce monarchiste de Maurras qui serait allé demander à ce vieil "officier républicain" de Pétain d'être un peu plus constitutionnel, lui qui avait horreur des constitutions et du parlementarisme… Maurras en effet partageait au moins cette opinion avec Grégoire XVI de trouver que "le parlementarisme, ça fait pas très sérieux"… Mais il ne partageait certainement pas avec le pape régnant du temps de Louis-Philippe le mépris du "magnificat", dont je ne saurais croire que vous le professez aussi souverainement que celui que vous n'appelez pas "votre vieux maître", ayant garde de vous déclarer maurassien après que votre supérieur, l'abbé Laguéry, toujours lui, avait jugé plus subtil d'assurer que votre Institut ne l'était pas… Est-ce encore un effet du "grand écart" ?

Je vous donne ma parole que pour un médiocre médiologue de mon acabit, ce "grand écart" est autrement ignoble et venimeux que toutes les critiques casuistiques que vous pouvez adresser au concile "pastoral" encore que se déclarant "dogmatique", et qui doit être interprété selon "l'herméneutique de la continuité" : stratégie, stratégie, quand tu nous tiens... (Savez-vous qu'à l'avènement de benoît XVI, Mgr Di falco hasarda au micro de denise dumolin sans que la phrase fût reprise ni que la journaliste l'eût coupée au montage, que le cardinal Ratzinger était connu au Vatican pour être "une sorte de JR" dont le prélat n'allait pas jusqu'à dire qu'il avait intrigué pour devenir pape, mais que, sans doute, il n'était pas fâché de l'aubaine, bien qu'ayant simulé vouloir prendre sa retraite et retourner en Allemagne… ?)

Je m'énerve ? Un peu. Et sans doute ma réaction est-elle celle que vous sollicitiez. Afin de quelle confrontation avec le monde ? En quoi Maurras est-il plus "réel" que lui ou que moi ? Je n'ose croire que c'est parce qu'il avait "la positiviste attitude" : c'est peut-être nul, mais ça ne l'est pas plus que de soutenir que Maurras était antifasciste sous prétexte que, comme le démocrate chrétien bayrou reprenant ségolène royal au micro de Jean-Jacques bourdin, Maurras, non seulement ne confondait pas, mais distinguait "etat et société", tandis que le fascisme ne voyait que par l'etat :
"Tout pour l'Etat et rien en dehors de l'Etat"…
Moi, je veux bien, si toutefois vous arrivez à me prouver que le vieux père Maurras, pétri de réalisme, employait le mot de "société" dans le sens abstrait où ce mot ne désigne plus à nos oreilles modernes que "l'esprit du temps", la mentalité collective, le substratum dans lère duquel on vit et dont on respire l'atmosphère. La "société" est pour nous un mot atmosphérique tandis qu'elle était, pour Maurras, une "communauté organique", qui se serait assez accomodé de votre "personnalisme intégral", même à la sauce cajetan. Cet admirateur "(organisé)" de "l'empirisme thomiste" n'aurait pas récusé son disciple et il vous aurait enrôlé avec celui en l'honneur de qui vous composâtes votre canard de doctorant... Or, que je sache, pour le fascisme, Etat et société devaient être coorganiques de même que, ce qu'appelait de ses vœux Maurras, c'était que l'Etat redevînt "organique à la société" dont toutes les sphères devaient s'élever comme des faisceau lumineux, en partance vers le mêmepoint final. Cette apothéose de la société n'est certes pas du plus mauvais effet de politicoplastie…

Avant de mettre le mien, de point final, à ce poste, je vous dirai pour rentrer dans vos bonnes grâces - car je suis stratège à mes heures, moi aussi - qu'il y a tout de même une leçon que je retire de Maurras : quand on lui reprochait de vouloir récupérer l'Eglise bien qu'il fût à millie lieues d'en partager la foi avant de se convertir in extremis (mais la conversion in extremis est un genre littéraire, comme diraient nos exégètes bibliques…", Maurras répondait qu'"il la prenait pour ce qu'elle se donnait" et faisait fi de ses propres a priori ou croyances pourvu qu'il se rencontrât avec elle un terrain de convergence. Le terrain de convergence n'est pas ici ma partie : mais c'est une vraie leçon d'humanisme que de prendre chacun pour ce qu'il se donne. J'ai peut-être manqué de charité envers votre académicien en ne comprenant pas tout ce pour quoi il se donnait ; mais c'est parce que j'ai de l'estime pour vous que je vous pose cette question :
"Pour qui vous donnez-vous" ? Je ne vous dirai pas : "à la fin", bien qu'on soit lassé de votre façon de naviguer un coup à gauche, un coup à droite… Dans votre genre, vous êtes un peu séducteur… Je ne vous dirai pas "à la fin" parce qu'à l'instant où je vous parle, ni vous, ni moi ne sommes définitivement définissables, et j'espère que, même après la mort, nous ne le serons pas encore… Je me risque à vous demander, non pas pour qui vous vous prenez (car à ce coups,vous pourriez me retourner le compliment), mais pour qui vous vous donnez, démarquant humblement ma question sur celle que Dieu (que je ne suis pas : je n'en suis qu'une simple Image qui a perdu beaucoup de ressemblance) pose à Adam et que j'aime bien restituer sous cette forme :
"Où en es-tu ? comment te situes-tu ?", même si j'ai lu hier soir dans les "cahiers parisiens" de claude Vigée, sur le site de sa revue "temporel" que l'Hébreu demande plutôt :
"d'où viens-tu et surtout, où vas-tu" ?Où et comment allez-vous, cher et valeureux abbé pour qui j'éprouve une irrépressible amitié, peut-être entraînée par l'attrait du génie, mais je ne suis pas sûr que nous marchions "dans la même direction"… Où et comment allez-vous ? Je veux dire : pourriez-vous enfin préciser quelle est votre stratégie ? qu'est-ce que vous voulez à la fin… ? C'est quoi, le problème du monde ? L'Eglise est-elle là pour y remettre de l'ordre ? ca se résume à ça, pour vous, la Rédemption ? cosmomos/ordre et beauté dans le Logos ! Mais ce n'est pas à proprement parler le Logos qui a "sauvé le monde" même s'il peut arriver qu'en effet, les mots sauvent littéralement la vie. Non : ce n'est pas vraiment le Logos qui a sauvé le monde : le Logos l'aurait plutôt fait surgir du chaos. A tout prendre, le Logos a créé le monde, quand c'est le Christ qui l'a sauvé. Permettez que je risque cette distinction métaphysique entre le Logos et le christos que je préfère à l'antique distinction entre la nature humaine et la nature divine du christ, même si le Logos recouvre cette nature divine prime et ultime au sein du trine, tandis que le Christos, la part de dieu qui meurt, embrasse la nature humaine en proie au sacrifice et au sentiment de la dette…

jeudi 4 mars 2010

Le christ a-t-il connu la tentation du suicide ?

En réponse à l'article audio du site http://lumiere101.com/2010/02/21/lexperience-du-desert/.

Vous semblez faire l’apologie de la tentation, pour avoir l’avantage, dites-vous, de nous faire échapper au “calme plat” d’une vie tranquille, car “rien n’est pire que le calme plat”. N’est-ce pas un préjugé? Pourquoi la vie sur terre ne serait-elle pas un lac? “ce qui me lève le coeur, me disait récemment un ami très éprouvé, c’est que la vie sur terre ne peut jamais se passer sans connaître la douleur ou la contradiction.” mais, à supposer que vous ayez raison, à supposer que la tentation, sinon ne soit pas un bien, ne soit pas le mal que nous redoutions, d’autant qu’en effet, “la tentation n’est pas le péché”, pourquoi cependant supplions-nous le Père de ne pas “nous induire en tentation”? Pis, pourquoi tenons-nous tellement à ce que ce ne soit pas lui qui puisse nous y induire” et pourquoi notre piété est-elle rebutée par la formule: “Ne nous soumets pas à la tentation”?

Pour m’arrêter un instant sur les trois tentations de Jésus, beaucoup de lectures peuvent évidemment en être faites. Je voudrais proposer celle-ci: ayant faim, Jésus est tenté de ne pas devenir eucharistie; sommé de se prosterner devant le tentateur, Il est tenté de se couper de Dieu, celui-là même qui L’a envoyé: Il est sommé de se détourner de celui qui l’envoie pour un avoir hypotétique, “tous les royaumes de ce monde” dont son interlocuteur est “le prince”. Lui qui est en communion avec l’être qui est Dieu, d’auprès de qui Il vient, se voit rejeté dans "l'avoir". Enfin, transporté, non pas “à gauche, à droite”, mais “sur le sommet du temple”, il connaît peut-être la tentation du suicide: du suicide pour échapper à la croix, à la passion. Finalement, les tentations sont un moyen trouvé par "l'ennemi du genre humain” de nous faire échapper à notre destin. Est-il “furieux de nos bonnes résolutions”? comme vous le soulignez, il lui importe bien plus de nous faire entrer dans “la tristesse”, de connaître la déréliction, la détresse de ne pas être soi, l’impossibilité "d’aller vers (soi)”, comme Dieu y invite Abraham.

Le catholicisme vieillit mal...

Mon commentaire du 2 mars à l'article trouvé sur le blog http://www.ab2t.blogspot.com, à savoir http://ab2t.blogspot.com/2010/03/une-vraie-discussion-autour-de-vatican.html
Cher Monsieur l'abbé,

en habile tacticien que vous êtes, vous opposez "un pape de la représentation" (planétaire) dont le pontificat a été l'un des plus longs de l'histoire à
un "pape de la confrontation" (avec le monde). donnons-vous-en acte, ne serait-ce que pour l'habileté, l'intelligence du distinguo. cela étant, cette confrontation (avec le monde) est-elle nécessaire? est-elle bienvenue? N'a-t-elle pas déjà que trop duré? L'Eglise n'est-elle pas ressentie comme "l'organe qui ne sait que dire non"? et surtout, combien de temps cette confrontation pourra-t-elle survivre à la vie du pape? Je suis peut-être un peu trop entêté de la chronologie pure et dure; mais, à vues humaines, le pape est un vieil homme. comme me le disait un prêtre il y a beau temps déjà :
"le Vatican est dirigé par de vieux gars..." combien de temps tout cela pourra-t-il durer sans que l'on dise:
"Le christianisme? Mais il est en train de mourir de vieilesse..."
A la parution du "génie du christianisme", une de ces dames qui faisaient l'opinion littéraire s'écria :
"comment? Le christianisme, c'est cela? Mais il est délicieux!"
J'attends qu'on ressente à nouveau le délice d'être chrétien...

qu'est-ce qui se vit sous les voûtes des églises, tradis ou non? Pas beaucoup de fraternité, à la vérité. Ne parlons même pas de charité, le mot est trop connoté: il a vieilli, mal vieilli... Mais enfin quoi! On reçoit unsacrement, c'est vrai, ou plutôt un sacrement nous est administré ! Mais cette administration est "mal produit(e)"! ce blasphème n'est pas de moi, il est de thierry ardisson. "Mal produit" parce qu'excessivement ritualisé! comment avons-nous pu "râbacher comme les païens" dans ce qui est une caricature de "langue sacrée", le latin n'étant jamais que la langue de l'occupant... qu'avait-il de sacré, sinon sa tendance au juridisme? N'avez-vous pas vous-même déploré bien souvent que l'on réduise le christianisme à un moralisme?

Bien à vous


Julien WEINZAEPFLEN

Un concentré de ma pensée dans une lettre à mon neveu (de rameau) au sujet de ses aphorismes.

Du blog :http://rimbe.canalblog.com/
http://rimbe.canalblog.com/archives/2008/12/30/11913111.html

Resonnances a tes aphorismes


Mon cher Simon,

Plutôt que de m'engager dans des commentaires (carle statut du commentateur est prétentieux quand on y pense, et j'aspire à ne prétendre à rien), je voudrais te dire comment résonnent en moi certains de tes aphorismes. C''est la suite de mon épisodique, mais profonde exploration de ton blog.

La nature de la vérité : tu la dis "temporaire" : c'est un constat lucide sur la nature de l'être en évolution. Il n'est pas facile d'admettre qu'on ne naît pas tout cuit ou tout cru, que l'évolution fait partie de la croissance. Mais voici ma touche (non ma retouche) : à mes yeux (je pèse mes mots), la vérité doit être à notre goût. C'est une conception qualitative et esthétique de la vérité. La vérité doit être à notre goût : autrement dit, la vérité doit être belle. La beauté sauvera-t-elle la vérité ? Je ne sais pas si "la vérité" "rend libre", mais on n'est pas libre devant la vérité. Dans une certaine mesure, la vérité. La vérité échappe àl'adaptation. Echappe à l'adaptation.

"Plutôt que de prouver votre vie, affirmez votre existence…"
Qu'est-ce au juste que de prouver sa vie? J'ai pour ma part écrit que l'homme n'est pas corvéable à l'enfer de la preuve. On n'a rien à prouver. On ne peut pas prouver sa vie (sous réserve de ta définitiion), mais on l'éprouve assurément. Et par bien des côtés, la vie est une mise à l'épreuve. Du moins, beaucoup de gens l'ont-ils pensé. Ils se sont même faits une religion de le croire. Quant à "affirmer son existence", à vrai dire, je n'en vois pas la nécessité. Ou, si nécessité il y a, elle est toute intestine. On affirme son existence pour se sentir vivre. Mais que se passerait-il si on se mettait en état de ne pas avoir besoin d'éprouver ce sentiment ? est-ce la remarque désabusée de quelqu'un qui n'aime pas la vie ? Je l'aurais faite il y a un an, ça l'aurait certainement été. Mais force m'est de constater avec étonnement que j'aime la vie de plus en plus. Le plan de ma mère a donc marché…

Les angles morts de la pensée sont la source de tous nos désaccords. Je n'avais jamais pensé à parler d'"angle mort": je ne disais que "les points aveugles".

De même que je ne vois pas la nécessité d'"affirmer son existence", j'ai des doutes sur l'opportunité de "devenir le dieu de sa vie". Assurément, c'est une belle vision du processus que d'écrire que "c'est cela, l'amour : devenir Dieu", mais je crains que notre époque (pour faire un autre lien avec une chose dont tu parles aussi) ne traverse actuellement l'impasse de croire que l'amour mène à soi. Nul plus que moi ne dira qu'il faut être l'ami de soi, mais ceci est un point de départ, pas un point d'arrivée. La raison d'être de l'amour est l'autre. L'amour part de soi pour mener à l'autre. Autrefois, l'impasse était de croire que l'amour partait de l'autre pour mener à Dieu. Ce qui me paraît plus juste dans notre appréciation actuelle est que l'amour part de soi pour mener à dieu, Dieu servant de joint entre soi et l'autre. Est-il bien raisonnable de parler d'un Dieu serre-joint ? On peut en rire, mais au-delà du sens de l'humour, le fait que Dieu serve de joint nous amène à déduire la dimension relationnelle de l'Absolu. Il serait vaind'associer, pour le seul plaisir du paradoxe, l'absolu au relatif. Et pourtant, l'absolu est relationnel : dieu fait le pont entre moi et l'autre. C'est peut-être de là que sont partis ceux qui ont instauré ou découvert le dogme de la Trinité. La dimension relationnelle de l'Absolu divin, son aspect trine, est peut-être une découverte qui nous sert à penser.

"-Toute la mécanique de l'esprit rejoint celle du corps qu'elle transcende." Or Dieu Est Esprit. "Entendez-vous la voix de votre esprit ?" Dieu nous parle dans la conscience. Notre "voix intérieure" est notre intermédiaire entre nos personnes et dieu. La voix intérieure est angélique. Autre manière d'exprimer l'ancienne Foi dans les anges gardiens. Parfois aussi, la voix intérieure s'exprime sous l'aspet d'une tentation : et l'on s'étonne qu'on ait vu dans le diable un ange… Beaucoup sont révulsés que l'on puisse demander à dieu de ne pas nous "soumettre à la tentation". Ils disent que ce n'est pas Lui Qui peeut nous y soumettre : ils ont une intuition très immédiate de la bonté de dieu. Un peu comme celle que tu soutiens de "la voix de (notre) esprit" qui nous "remet à notre place", très spontanément et positivement.

"Je pense en effet qu'il faut prendre garde à ne pas trop ouvrir ses frontières intérieures", non seulement par crainte de ceux qui y pénètrent (et qui, comme tu le dis, ne sont pas nécessairement bienveillant : ils veulent peut-être nous posséder, nous envahir…), mais aussi parce qu'observer un certtain protectionnisme, autrement dit rester discret et sur sa réserve est le meilleur garant d'un bon enracinement en sa pensée. Tout ce qui monte convergeant, pourquoi pas nous ? Je veux dire : pourquoi ne monterions-nous pas ? On ne peut pas toujours zaper, il faut aussi se développer. La culture est par essence intra et hypertextuelle. La culture consiste à laisser les autres penser pour soi. La culture ne se méfie de rien tant que de ceux qui pensent le monde à part eux-mêmes. Or ils le peuvent, dès lors qu'ils portent le monde en eux. La culture est l'art du survol et le survol s'oppose au développement. Le survol ou la haute voltige sont des aérations mentales et du développement. Mais la culture est secondaire, corrélée à la pensée. Voilà pourquoi je n'ai jamais cru en la culture, et je suis heureux que la religion dont je suis un confessant, le catholicisme, se méfie comme moi de la culture. Louange du Christ :
"Père, Seigneur du ciel et de la terre, je Te bénis, car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout petits"…

"Un individu qui détruit sa vie la contrôle de la seule façon qu'il est en mesure de percevoir". J'ai entendu dire que l'anorexie était une "maladie du contrôle". Or je suis né, m'a-t-on dit, atteint d'"anorexie mentale". Et je ne survis pas sans être resté un brin autodestructeur. Tu as raison : je n'ai pas trouvé mieux, mais n'en désespère pas, et n'en suis pas désespéré.

"-Rares sont les individus doués de la capacité à marquer ET attirer. Dans la plupart des cas, on n'est en mesure de ne déployer qu'un don à la fois…" Dure inégalité en effet que celle du charisme ! Terrible aristocratie charismatique. Et encore, si le charisme suffisait… Il faut aussi être de son temps ! Ceux qui ont du charisme et sont de leur temps connaissent le succès. Leur opinion fait la pluie et le beau temps au sujet de ce qu'il est opportun ou inopportun de dire ou d'écrire aujourd'hui… Notre histoire individuelle est certes inscrite dans des courants temporels, mais pourquoi ne pourrions-nous pas porter la contradiction à Aujourd'hui ? quelle était l'école littéraire ou ou la revue dont la devise était :
"En arrière toutes !"
Le crédo du réactionnaire ? J'envoie se faire foutre ce mot de réaction, surtout quand on sait qui on appelle des actionnaires : des gens qui ne foutent rien et dont le trouillomètre fait basculer dans ce qu'on nomme CRISE l'économie mondiale… guy Gilbert a eu cette formule saisissante :
"Le taux de change est l'instrument de mesure du moral du monde" et cela même est amoral…

en toute indiscrétion (mais il n'y a pas de questions indiscrètes : ce sont seulement les réponses qui le sont), qui est la seule personne que tu aies connu de toute ta vie et qui avait sincèrement envie de liberté ? Est-ce que je la connais ? citation de Mgr gaillot :
"quand on a peur, on n'est pas libre et quand on est libre, ça fait peur" !

Superbes aphorismes que les deux suivants (qui m'ont saisi, laissé sur le cul, et pourtant je n'aime pas la vulgarité, surtout quand je parle avec toi. Je les ai envoyés à deux personnes : Gilles et thérèse) :
"bénédictions : -Mon nom est une lettre du divin alphabet. Le comprendre, c'est comprendre l'existence ; Je suis une part de tout ce qui existe, mon être incarne la vérité...
Mais seul, je ne suis qu'une lettre. En me rappelant de mes ancêtres, je forme une phrase. En me rappelant de l'humanité, je deviens un langage. Il faut donc remonter dans la mémoire du sang, relever l'atavisme jusqu'à ressentir l'humanité toute entière.

-Être l'idée, la réalité, le concept et AUSSI l'inimaginable, voici mon exigence quand à l'art le plus haut."

Etonnante actualité de ton aphorisme : "Ne pas bâtir une maison sur une falaise. Lorsqu'elle s'écroulera, vous maudirez le vent…" La tempête vient à peine de nous éponger que voici déjà les récriminations qui grondent :
"Quel est le salaud qui a délivré un permis de construire en zoni inondable ?"
après la catastrophe, la recherche du responsable. J'avais oublié que nous étions capables de tant de mauvaise foi… Mais, ce qui est marrant ou caractéristique, c'est qu'il y a une chose qu'on ne se permettrait plus de supposer aujourd'hui : c'est que la catastrophe soit un châtiment divin dû à notre immoralité. Explication simpliste, elle aussi, je tel'accorde. Je ne regrette pas qu'onl'ait abandonnée. Mais au moins, avait-elle l'avantage de mettre l'homme face à face avec sa vie, avec les fins dernières, avec l'angoisse et les questions existentielles, tandis que si ce sont "les politiciens qui nous prennent pour des chiens, les politiques qui nous piquent du fric, si c'est le gouvernement, halte au vent" !

Superbe définition de la méchanceté… "compréhension sans compassion"… Par opposition à l'amitié : "compréhension avec compassion". Allier les deux, ç'a toujours été le rêve du sage. Les Hindoues ont exprimé cela sans équivalent, je crois. Bizarrement, le christianisme défendait pourtant les mêmes valeurs. Mais insidieusement, s'insinuait la recherche du donateur sous la charité, ce qui fait qu'elle a mal vieilli. Le conseil évangélique était :
"quand tu donnes, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite."
Cela nous a mis la puce à l'oreille; c'était un peu comme l'interdit qui précédait le péché originel. On s'est mis à chercher. On n'a plus été intéressé que par qui donnait et combien. On est devenu un "généreux donateur" caressé par celui pour lequel on déploie tant d'opulence ! Les chrétiens sont devenus pharisiens. Ce n'est pas le seule exemple d'une logique qui se soit retournée contre elle-même, qui ait fait sa révolution comme tu dirais. On trouve cela aussi dans les béatitudes, malheureusement : elles sont le plus beau programme de vie qu'on puisse imaginer, la plus belle conception du bonheur ; si ce n'est que subrepticement et ultimement, la dernière béatitude béatifie "les persécutés", exaltant du même coup le complexe de persécution, ouvrant la voie à toute parnoïa !




En toute fraternité d'âme et de sang dont il faut sonder la "mémoire" atavique…


Avonculairement, Julien

Formation Judaisme

5 février 2010

I DIDACTICIEL

(à partir du power point "A LA DECOUVERTE DU JUDAISME" du Père Philippe loiseau enrichi des commentaires de Thérèse Klein).

"N'oublie pas que ce n'est pas toi qui porte la racine, c'est la racine qui te porte" (romains).

Le monde repose sur trois piliers : la torah, le culte (avoda : le service) et les œuvres de charité." Celles-ci sont moins mises en avant que le culte ou l'étude de la torah, mais elles cimentent dans la solidarité la communauté que forme le peuple juif: c'est le fameux soutien que s'accordent les Juifs. L'un des témoignages modernes de ce soutien est le Fonds Social Juif Unifié. Ou encore, les pauvres sont invités pendant le shabbat où la maison est grande ouverte. (Cela peut rappeler la place qu'on laissait vide pour que l'occupe le pauvre au moment de Noël dans les familles chrétiennes ; mais, plus généralement, les "œuvres de charité" se sont répercutées dans les "œuvres de Miséricorde" qu'a toujours prônées l'Eglise catholique pour acquérir des mérite en vue du salut au moyen, non seulement de la Foi, mais des œuvres. On retrouve enfin cet accueil du pauvre comme l'une des clauses rendues obligatoires par la règle de Saint-benoît, bien que le monachisme soit étranger au possible au judaïsme).

Le culte au quotidien est la sanctification du temps. Les Juifs sont les bâtisseurs du temps.
Le shabbat est bien sûr une des fêtes fondatrices. Il s'agit de "mettre à part", selon la définition de "qadosh" : mettre à part :on parle parfois de "saint shabbat". Le saint est celui qui est "mis à part".

Les trois offices qui rythment la journée remplacent les trois sacrifices offerts au temple de Jérusalem. Comme le temple n'existe plus, l'activité qui s'y déployait a été remplacée par la prière.

Ces trois prières sont :

- cha'arit (la prière du matin) qui a été instaurée par Abraham dont il est dit :
"Abraham se leva tôt le matin et alla vers le lieu où il se tint devant le Seigneur" ;

- min'ha, la prière de l'offrande de l'après-midi, qui rappelle qu'"Isaac sortit dans les champs pour méditer à l'approche du soir" (gen 24-63) ;

- ma'ariv, la prière du soir tombé, qui évoque le songe que Jacob a eu la nuit et que relate Genèse 28-5-19).
- (En plus des trois offices, shabbat comporte encore un ofice supplémentaire appelé moussaf qui suit le cha'arit).

La prière est donc nettement fondée sur chacun des trois grands patriarches, chacun d'eux représentant l'archétype et le "prototype" d'une vertu : Abraham, celle de Miséricorde et d'accueil (puisqu'il a intercédé pour Sodome et Gomorhe, a accueilli les trois anges venus lui annoncer l'étendue de sa fécondité et s'est même montré prêt à répondre à l'impossible demande d'immoler Isaac, pourtant l'objet de sa promesse. Les Juifs ne parlent pas du "sacrifice d'Isaac", mais de "la ligature" ou du "nouage d'Isaac", nouage dont on peut retrouver la trace dans la psychologie de ce patriarche) ; Isaac représentant la vertu du din : la justice et la rigueur ; [1] et Jacob l'équilibre entre la Miséricorde et la Justice.

Quand on regarde le déroulement des offices, qui comportent toujours la récitation de psaumes, on sent qu'il y a vraiment deux temps très importants : le "shema Israël" où les Juifs ferment les yeux et la tefila, qui est une longue prière où les assistants sont debout. Elle est considérée comme la prière par excellence. Elle est aussi appelée " Chémoné-esrè ", car elle comporte 18 bénédictions (en réalité 19, car la 14ème bénédiction, celle sur Jérusalem, est redoublée).

SCHEMA ISRAEL

"ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le seigneur est Un. Tu aimeras le seigneur ton dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Les paroles que Je te donne aujourd'hui seront présentes à ton cœur. Tu les répéteras à tes fils. Tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout. Tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux. Tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison et à l'entrée de ta ville."

dans cette prière, il y a déjà toute une série de mitsvoth quiapparaissent :

- l'affirmation que dieu est Un et Unique ;

- "tu aimeras Dieu de ton ton pouvoir, de tout ton élan vital et de tout ton avoir".

- Les tefillin sont de petits boîtiers attachés le matin par des lanières à l'intérieur desquels de petits parchemins rappellent que "les paroles que je te donne aujourd'hui seront présentes à ton cœur…" Les tefillin matérialisent cette mémoire. Il y a le tefilin du bras et le tefilin de la tête : le tefillin du front. Attacher ces tefillins est un des premiers gestes que fait le père def famille en se levant. On ne les conserve attachés que le temps de la prière;

- La mezouza est aussi un boîtier allongé, placé à droite sur le montant de la porte de la maison, avec les mêmes versets qui sont à l'intérieur. Les Juifs, quand ils passent le seuil de la porte, touchent cette mezouza. Même à Jérusalem, il y a une mezouza sur les portes de la ville, qui a l'air incrustée dans la pierre, tellement les pèlerins l'ont touché en passant, comme le rocher de Lourdes est poli par toutes les mains qui s'y sont appuyées.

- Le talit est le châle de prière que les Juifs portent presque systématiquement quand ils vont à la synagogue, mais qu'ils ne passent pas forcément sur la tête.

LES JUIFS SONT DES EMETTEURS DE "POURQUOIS

Chez les juifs, la question du "pourquoi" est centrale : aussi bien le "pourquoi" catéchétique, le "pourquoi" d'anamnèse que le "pourquoi" interrogatif, qui recherche les causes. A pessah, on incite les enfants à demander quatre fois "pourquoi" :
"Pourquoi cette nuit est-elle particulière ? Pourquoi mange-t-on l'agneau ? Pourquoi des herbes amères ?

(extrait du "LIVRE JUIF DU POURQUOI"

"Pourquoi du maror, c'est-à-dire des herbes amères, est-il posé sur le plateau du seder et servi au repas du seder ?" Le maror, plus souvent servi sous forme de raifort, symbolise le sort amer des israélites durant leur esclavage en egypte…")

Ce "pourquoi" est ici un "pourquoi" annonciatif, un "pourquoi" qui permet la transmission, l'inscription dans une Tradition. "LLE LIVRE JUIF DU POURQUOI" en deux tomes est un exemple de cette interrogation sur le rite pour le rendre intelligible. On rebondit de créativité à partir de l'enracinement dans une Tradition. La tradition n'est pas figée : chaque génération est invitée à la traduire dans ce qu'elle vit, à la réactualiser. On ne retourne pas sur un passé qui est anachronique par rapport à son époque. Sans être critique, la tradition est vivante. Mais en dehors de cette inscription du juif dans son peuple et des rites dans leur intelligibilité, il y a aussi l'interrogation à avoir en permanence du "pourquoi" sur toute chose. Il s'agit de stimuler une perpétuelle recherche.

LA CASHROUTE

Sont déclarés kasher, c'est-à-dire propres à la consommation, les végétaux et les fruits, les ruminants pourvus de sabots fendus (sont exclus le porc, le chameau, le lapin), les poissons pourvus d'écailles et de nageoires (sont exclus les poissons sans écaille, l'anguille, les coquillages et les crustacés, ces derniers d'autant plus qu'on les fait bouillir, ce qui occasionne une souffrance de l'animal, sans parler des huîtres qu'on mange vivantes et crues, ce qui est STRICTEMENT interdit) et les oiseaux et gallinacés qui se nourrissent de graines. Les animaux abattus doivent être vidés de leur sang. Lors du repas, on ne doit pas manger de la viande avec un produit lacté :
"tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère."
Le vin est rigoureusement soumis au contrôle de la cashroute. Tous les ajouts chimiques sont proscrits. Le vin occupe une position très particulière depuis Noé. Sur le vin, est adressée la bénédiction du quiddoush. (De même, dans le temps, il ne devait pas y avoir d'ajout de sucre dans le vin de messe.) L'interdit des poissons sans écailles correspond sans doute au refus de consommer des hybrides. Ce qui est hybride n'est pas pur au sens du métal qui doit être sans mélange. Les Juifs ne sont pas amateurs de chimères. Le porc est omnivore. Il est relativement proche de l'homme de ce fait-là. Les premières greffes faites sur l'homme étaient des cœurs de porc. Il y a une compatibilité avec l'homme qui fait qu'il serait impur, voire quasi cannibal, de dévorer son semblable (cf. aussi Jésus qui expulse les démons dans un troupeau de porcs qui se jettent à la mer). On pense aujourd'hui par hygiénisme que ces interdits de manger des viandes faisandées étaient liés au parasitisme. Ces interdits ont sans doute préservé beaucoup de vie par voie de conséquence, mais leur sens était probablement plus spirituel : il était nécessaire à l'homme de se démarquer de l'animal...

Les etapes de la vie

- La berit-mila ou circoncision est pratiquée par le gohel assisté du rabbin. Elle est fixée au huitième jours après la naissance de l'enfant. De même que la kipah marque la limite de l'homme dont la tête ne va pas jusqu'au ciel et dont la tentation pourrait être de se croire tout-puissant par rapport au monde, la circoncision marque la limite de la puissance sexuelle de l'homme. Il s'agit de retrouver quelque chose de la réceptivité féminine par opposition au vouloir-agir des six jours de la Création où Elohim ordonnance le monde. Le shabbat serait plus du côté féminin : on accueille la fiancée-shabbat. (Non seulement c'est l'occasion ou jamais pour un jeune homme de présenter sa fiancée à ses parents, mais le shabbat en lui-même est une fiancée. C'est Le lendemain du sixième jour, le seul jour qui soit désigné par un article défini. Le shahbat procède de la bénédiction du sixième jour où Dieu a récapitulé sa Création comme étant "très bonne". C'est un jour qui recèle un supplément d'âme, comme le sens de la bénédiction en général est d'"ajouter" une approbation divine sur la chose qui, en soi, est bonne déjà. La bénédiction joue dans le judaïsme à peu près le même rôle que la Grâce dans le christianisme : celle-ci n'est en effet pas de la nature surajoutée, mais un ajout à la nature.

- La bar-mitsva : elle pourrait faire le pendant à notre Confirmation. C'est le moment considéré comme la sortie de l'enfance. La barmitsva n'est plus seulement réservée aux hommes : on pratique de plus en plus de bat-mitsva. L'enfant est devenu adulte dans la foi. Le jour de sa bar-mitsva, qui intervient vers l'âge de 12 ans (cf. la fuite de Jésus au Temple où il discute avec les maîtres de la loi lorsqu'il est âgé de 12 ans), il doit commenter le passage qu'il a lu. On le considère comme apte à interpréter les textes comme les autres. Le garçon va porter la torah, il est en âge de l'incarner.

Le mariage : la cérémonie est beaucoup plus simple que chez nous, mais la fête dure beaucoup plus longtemps. Sous la houpa, un dès nuptial, le mariage est célébré par le rabbin qui récite deux bénédictions sur une coupe de vin. Les deux fiancés boivent la coupe, puis le hatan, le jeune marié, passe l'anneau à l'index de la main droite de la kallah, la fiaancée. (On dit aussi shabbat kallah). Puis on lit la kethouva ou contrat de mariage. On passe ensuite à la cérémonie des missouîn, avec les sept bénédictions sur une seconde coupe de vin. On conclut par un geste qui commémore la destruction du temple de Jérusalem : le hatan brise un verre sous son pied.

- La mort : [2] toute une série de rituels marque cette période du deuil qui dure toute une année puisque le kaddish est récité toute l'année (ou pendant onze mois) par le fils ou la fille du (ou de la) défunt(e), qui le récite chaque shabbat. On dit par erreur que le kaddish est la prière des morts. En réalité, il n'y est pas du tout question de la mort : c'est une prière pour louer le Nom de dieu. Si on récite cette louange du Nom de dieu au moment où l'on vient de perdre quelqu'un, c'est parce que les endeuillés sont dans une période où ils pourraient douter de la Gloire et de l'importance du Nom de dieu. Leur relation à dieu est mise à rude épreuve. Le fait d'avoir à réciter le kaddishh les admoneste de ne pas rester dans cette situation de remise en question du Nom de dieu, mais de réaffirmer, même si c'est difficile, la primauté de ce Nom et de cette Relation dans leur vie. L'explication de la mort n'appartient pas aux vivants. Ce qui intéresse le monde juif, ce sont les vivants, ceux-là mêmes qui perpétuent la mémoire des morts, pas la destinée post mortem de chaque individu.

LE KADDISH

" Non seulement (le kaddish) console-t-il Dieu, « endeuillé » de la chute de Jérusalem et la Judée, mais c'est sur lui que repose l'espoir et la croyance en Dieu, prononcé collectivement et dans un esprit de sainteté, afin d'amener la réalisation de la prophétie d'Ezéchiel" (Jewish Virtual Library).


"que soit magnifié et sanctifié son grand Nom dans le monde qu'Il a créé selon Sa volonté et qu'Il établisse son Règne de votre vivant et de vos jours, et du vivant de toute la Maison d'Israël, bientôt et dans un temps proche, et dites : "amen !"
que Son grand Nom soit béni à jamaiset d'éternité en éternité. Que soit béni et célébré, glorifié et exalté, élevé et honoré, magnifié et loué le Nom du Saint, béni soit-Il !, Lui Qui est au-dessus de toute bénédiction et de tout cantique, de toute louange et de toute consolation qui sont proférées dans le monde et dites : "amen !"
Que les prières et supplications de tout Israël soient accueillies par leur Père qui Est aux cieux et dites : "Amen !"
Que la plénitude de Sa Paix nous vienne des cieux ainsi que la vie pour nous et pour tout Israël et dites : "Amen!"
Que Celui qui établit la Paix dans Ses hauteurs l'établisse sur nous et sur tout Israël et dites : "amen !"
Que celui qui établit la paix dans Ses hauteurs l'établisse sur nous et sur tout Israël et dites :
"amen!"

Il y a d'évidentes résonnances avec le "notre Père" et ses deux premières demandes :
"Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne !"
Mais ces résonnances vont jusqu'à l'invocation :
"Notre Père qui es aux cieux".
"Les cieux" désignent les temps messianique, le Royaume de Dieu. "Les cieux des cieux" renvoient à l'infini illimité, l'ayn soph aor. Il y a aussi séparation des eaux d'en haut et des eaux d'en bas. Ce n'est pas un lieu, mais un état. Au risque de glisser dans un certain ésotérisme, les cieux se disent "shamaîm" et pourraient renvoyer au shamanisme. Le "shamaîm" évoque la nature sous l'aspect où elle nous dépasse tandis que le shamanisme serait une façon d'avoir dompté, maîtrisé ou de savoir parler avec ces forces ou ces lois. Il faudrait poser cette question à un juif. Comment la prendrait-il ? Le shamanisme n'est-il pas pour lui un paganisme de la pire espèce ?

LE SHABBAT ET LES FETES,
UNE "CATHEDRALE DU TEMPS"

Cette expression de "cathédrale du temps" est sujette à caution. On la doit à Philippe Loiseau.

- Le shabbat commence réellement à la maison, lorsque les maîtresses de maison allument chacune deux bougies en l'honneur du shabbat. Elles récitent une petite bénédiction :
"Béni es-tu, Seigneur notre Dieu, qui nous a sanctifiés par Tes commandements et qui nous a ordonné d'allumer la Lumière du Shabbat."
Puis les hommes (accompagnés des femmes si elles en ont le temps : les femmes ne sont pas tenues d'aller à la synagogue) se rendent à la synagogue où a lieu le Lekha dodi (ou accueil de la fiancée, accueil du shabbat) :
"va, mon bien-aimé, au-devant de ta fiancée : le shabbat paraît, allons l'accueillir !"
Après avoir récité cette prière, les assistants se tournent tous vers la porte pour accueillir ce jour-fiancé tellement investi d'un supplément de nephesh que, lorsque ce jour s'achève, le moment est un peu triste : la fiancée s'en va et s'en revient le quotidien.

-Après l'office du soir, la famille regagne la maison où la table de shabbat est dressée. On pourrait la comparer à notre service du dimanche. Peuvent être posés sur la table, soit des chandeliers, soit des bougies capables de rester allumées suffisamment longtemps. La table ressemble beaucoup à une table d'Autel : on trouve un gobelet pour le lavage des mains, des calices, le livre de prières (ou sidour), la nape, le pain, le vin, les bougies… si ce n'est que le repas va êtreréellement partagé (et qu'on n'y parle pas de transsubstantiation bien qu'il soit, lui aussi, un Mémorial). Une tradition juive est à la base des règles de l'eucharistie. Le père de famille y bénit ses enfants, en référence à la bénédiction de Jacob sur ses 12 fils. Il dit à ses fils :
"Que Dieu te donne la même place qu'a Ephraîm et a Manassée."
Et à ses filles :
"Que le Seigneur te donne la même place qu'a Sara, Rebecca, Rachel et Léa."
Une bénédiction toute spéciale est le quiddoush (sanctification de la coupe de vin):
"Ce fut le sixième jour. Ainsi furent achevés le ciel et la terre avec toute leur armée. Dieu conclut au septième jour l'ouvrage qu'il avait fait et, au septième jour, il chôma après tout l'ouvrage qu'il avait fait. Dieu bénit le septième jour et le proclama saint, car il avait chômé après tout son ouvrage de Création." (gen 2-2-3). "Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi de l'univers, qui crées le fruit de la vigne."
(retentit à nos oreilles l'écho de la bénédiction de l'offertoire :
"Tu es béni, dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail des hommes. Nous te le présentons : il deviendra le vin du Royaume éternel.")
et sur les pains tressés (sorte de brioche à trois brins) :
"béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi de l'univers, qui fais sortir le pain de la terre."
(dans notre offertoire, l'accent est peut-être un peu davantage mis sur "le travail des hommes", mais c'est aussi dieu qui est présenté comme l'Origine du pain et du vin.)

- L'office du lendemain est très long puisqu'ilcomporte, en plus du sharit, le moussaf et qu'y est proclamée et commentée la parasha (si l'office commence à 8h, la parasha peut bien n'être proclamée qu'à 10h). La parasha correspond à nos lectures ; mais, au lieu de se limiter à de tout petits passages, elle est constituée d'une portion conséquente de la torah. Elle est lue intégralement en Hébreu. Elle est lue dans les sefer torah, dans les rouleaux de la torah où il n'y a ni voyelles, ni ponctuation. Cette absence de vocalisation se prête au jeu des rabbins qui permet des interprétations différentes. (L'arabe littéraire a ce point commun avec l'Hébreu de n'être pas vocalisé. En Egypte, des universités très ouvertes travaillent à une réactualisation de l'interprétation du coran à notre siècle.) La lecture de la parasha est assurée par quelqu'un qui doit être capable de la faire sous le contrôle de quelqu'un qui lui fait des signes pour la cantilation. Une autre personne est appelée au sefer torah, mais son rôle est plutôt honorifique. Comme la parasha est très longue, il arrive que plusieurs personnes se relaient au sefer torah (lequel désigne le livre, mais correspond à notre ambon). S'il y a un cohen dans l'Assemblée, il est appelé de préférence : c'est un descendant des anciens prêtres. S'il y a un Lévy dans la salle à défaut d'un cohen, comme il est membre de la tribu dont sont issus les Cohen, c'est à lui qu'on fera appel. S'il n'y a, ni Cohen, ni Lévy, on pourra choisir d'honorer le jeune qui vient de faire la bar-mitsva ou quiconque on voudra obliger. Le commentaire est généralement assuré par le rabbin. Les prières, en revanche, ne sont pas nécessairement dirigées parlui. Le rôle du rabbin est plus important chez les ashkenazes que chez les sepharades. Ce n'est pas forcément le plus ancien dans le grade le plus élevé qui dirige les prières à défaut du rabbin. Certaines prières sont cependant réservées à l'officient. Mais même dans les prières collectives, chacun a son débit. Comme chez les orthodoxes, les fidèles rentrent et sortent à volonté de la synagogue. Le rabbin ne fait pas exception. Il arrive aussi aux fidèles de discuter dans la synagogue pourvu qu'ils ne troublent pas la prière.

- Le shabbat s'achève le samedi soir par un petit office plus familial, la havdalah, présidé par le père de famille. Une bénédiction est à nouveau prononcée sur une coupe que le père boit tout seul. (Le père représente et dirige la maisonnée. Est-ce en référence à cette vision propagée par le psaume :
"ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse et tes enfants, autour de la table, comme des plants d'olivier" ? quand on veut demander à un époux juif comment va sa femme, il arrive qu'on lui demande :
"comment va ta maison" ?)
La coupe est posée sur une sous-coupe. On verse le vin jusqu'à ce qu'il déborde dans la soucoupe :
"Ma coupe est débordante…"
Une bougie à plusieurs mèches est tressée, telle que la flamme qui en sorte s'unisse. (Le chrétien pourrait y déceler le symbole de la Trinité.) beaucoup éteignent cette bougie dans le vin ayant débordé dans la soucoupe, dont certains prennent pour s'enmettre derrière les oreilles. On distribue encore du parfum de shabbat, de la lavande ou une autre fragrance agréable, dans l'espoir que toute la semaine soit encore parfumée du shabbat, ou au moins les trois premiers jours : car, les trois suivants, on commence à préparer le shabbat suivant. La célébration du shabbat alterne donc les célébrations à la synagogue et les moments d'intimité familiale.

Ii nos debats


1. La rigueur.

On a du mal à se sentir en phase avec autant de rigueur. Est-ce bien la Volonté de dieu ? tout le rituel est pourtant basé sur un verset de la Bible. Mais il arrive que, par précaution, les rabbins compliquent les prescriptions. L'important, par exemple, dans la nécessité de s'abstenir de mouvements au cours du shabat, est de ne pas provoquer de modifications de l'espace. Cette rigueur est en même temps ce qui a sauvé les Juifs de l'assimilation ou de la disparition au sein de la dispersion. Elle est ce qui fait que le peuple juif a gardé son identité. Et nous avons quand même des choses à apprendre de cette rigueur, car nous sommes beaucoup plus laxistes, nous laisson beaucouà la liberté individuelle, personnelle, or force est de constater que les liens se délitent. Par exemple, la prière avant le repas n'est plus récitée. Le passage du temps profane à un temps d'échanges avec Dieu et les autres n'en est plus marqué. On perd par là tout un éventail de sens. On pourrait certes prononcer cette prière à part soi en ne le faisant pas valoir pour ne pas se démarquer de ceux qui ne prient pas, mais en théorie, on n'aurait pas à dire la prière du repas si on mangeait seul. L'essence du repas est d'être un temps convivial. Dans le christianisme, ces gestes sont beaucoup plus laissés à l'appréciation personnelle. Dans le judaïsme, c'est une rigueur qui s'impose, mais fait que les choses perdurent. Cela n'empêche pas le paradoxe que l'on peut se revendiquer du judaïsme en pratiquant de façon très relâchée. Cette pratique peut certes connaître des degrés différents. Pour les pratiques chrétiennes, cela ne fait qu'un bon sièclequ'elles se perdent. Par exemple, pour le carême, les prêtres insistent souvent pour que ce soit à chacun de choisir la pénitence qu'il veut faire et l'on s'y perd ! Mais dieu est tout de même aussi celui qui nous laisse libres. La Foi ne se mesure pas forcément au respect des règles. Le cheminement personnel est tout de même un cheminement de liberté. L'accent que nous mettons sur le cheminement personnel et sur la liberté et a foi est ce qui nous unit en tant que chrétiens alors que, du côté juif, ce qui les unit, c'est le rite; La foi est laissée à la libre appréciation de chacun et, à la limite, on peut être juif praticant sans être croyant. Le chrétien connaît une grande liberté rituelle tandis que le juif est cerné de prescriptions rituelles, mais connaît une grande liberté de Foi.

Plusieurs rabbins s'étaient un jour posés la question de savoir si dieu existait vraiment. Après en être arrivé, non pas à la conclusion que dieu n'existait pas, mais qu'il y avait plus de probabilités qu'il n'existait pas que de raisons de penser qu'Il existait, le rabbin qui en était arrivé à cette conclusion, quand il entend que c'est l'heure d'aller à la synagogue, prend son talit et s'y rend. L'homme a besoin de règles et a peur de la liberté. Car il faut être sacrément sûrs de ses valeurs pour choisir la liberté. Se demander si l'on a fait le bon choix nous ronge, nous met dans une position plus inconfortable que si le chemin est fortement balisé. D'un autre côté, "le nouage d'Isaac", qui apparaît comme traumatisé de manquer avoir été sacrifié et qui, ensuite, n'aura pas une vie de patriarche plei d'initiatives, mais sera constamment roué par Rebecca ou Jacob qui lui vole sa bénédiction, pontre que, quand on se fige trop dans des principes ou une rigueur, on est coincé. La vie fait éclater les principes. Si on reste arc-bouté sur ses principes, on s'empêche de vivre. La règle ne peut pas cadrer tout. On voudrait réduire la vie à un axiome ou une définition, mais elle échappe toujours.
2
Par ailleurs, malgré tout, pour le Juif, le rite sans l'étude n'est rien. L'étude spiritualise le rite;

2. Le deuil.

N'avons-nous pas perdu le deuil ? Il était autrefois également soumis à des règles très précises : on s'habilait de noir, on veillait le mort, on portait naguère le deuil. La société ne nous laisse plus le temps de porter le deuil. Lorsqu'existaient des signes manifestes du deuil, les autres pouvaient avoir une attention et se dire que c'est peut-être parce qu'il (ou elle) porte le deuil qu'il réagit comme ça ou qu'elle est peut-être plus triste. Dès le lendemain de la mort d'un proche, il faut de nouveau qu'on carbure comme si de rien n'était. On n'a même plus le droit d'être tristes. Les Juifs au contraire ont ritualisé le deuil au point de ne pas se laver ni se raser de toute une semaine, ce qui est à la fois une manièrre de prévenir la dépression consécutive au deuil et de marquer la légitimité de celui-ci. Or cette dépression est sans doute beaucoup vécue dans nos temps modernes par ceux à qui n'est plus donnée la possibilité de vivre le deuil et qui ne se sentent plus le droit d'être fragiles, alors que c'est souvent dans les fragilités que naissent de très belles choses. Il peut y avoir un certain lien entre la blessure et la bénédeiction. IL est très heureux que le judaïsme soit resté présent et rigoureux sur les rites pour nous aider à nous poser ces questions-là. Notre société ne veut plus voir la mort par hyperefficacité, hypertechnicité. La mort constitue un des moments essentiels de la vie, dans laquelle le prêtre, de par sa dimension sacrée, devrait jouer tout son rôle. Il pourrait s'imposer de répondre au besoin, non seulement où se trouve les proches du défunt d'être entourés, mais de ss'entendre parler de dieu, et c'est ce moment que l'Eglise choisit pour le délaisser le premier et en confier l'accompagnement aux laïques. Il arrive cependant concrètement que des accompagnements faits par des laïques soient mieux assurés que s'ils étaient faits par des prêtres débordés et qui accompagnent la mort comme des fonctionnaires, pour qui le défunt est à inscrire dans un registre. La mort est un moment propice, pour l'Eglise, à dispenser une parole forte. Le baptême aussi, mais on rassemble moins de monde pour un baptême que pour des funérailles. Le baptême se pratique souvent en petit comité. On n'a souvent pas le temps de fréquenter les gens de leur vivant, mais il suffit qu'ils meurent pour qu'on retrouve le temps de les accompagner dans ce dernier voyage, parce que leur mort nous a touchés.

[1] (voir notre premier débat sur la rigueur dans la seconde partie de ce compte rendu : II "NOS DEBATS").

[2] (voir notre second débat sur le deuil (II "NOS DEBATS", 2.)